Simon Vincent

Simon Vincent

Cette année, j’ai commencé à écrire Quand caresse le loup, un monologue pensé pour être murmuré au Festival de caves, un étrange évènement de créations théâtrales souterraines. J’ai l’habitude d’y participer, en tant que metteur en scène – presque pour chaque année – et en tant qu’auteur. Je l’attends comme un rendez-vous qui compte ; une expérience particulière qui m’est chère et précieuse. Ecrire pour la confidence des cavités de la terre ; pour les fosses, dissimulées et cachées ; pour l’intimité des petites jauges aussi, au creux d’une proximité certaine… Ecriture du dessous, précaire, économique ; et peut-être – je l’espère et je le cherche – essentielle… Un trou qu’on creuse dans le noir, dans la terre – aussi bien abîme que refuge – et réunion, presque privée…

Avec Régis Goudot, le comédien qui devait m’accompagner sous la terre le temps de cette édition, nous aurions dû remonter à la surface pour partager avec vous le fruit de ce travail presque « spéléologique » et cette ambiance confidentielle, lors de ce beau festival AUX QUATRE COINS DU MOT. C’est malheureusement partie remise. Même le texte est resté enfoui quelque part. Car quand j’écris pour le théâtre, j’écris pour un acteur – avec lui – et très proche de la scène. Le confinement ayant suspendu nos rencontres et nos résidences de création, les mots eux-mêmes sont restés engourdis, en attente pour plus tard…

Mais ces derniers mois, tout au long du confinement, un texte écrit il y a deux ans pour le Festival de caves s’est rappelé à moi et m’accompagne à nouveau : Comme je suis terrain vague. Questionnements personnels que cette étrange période fait surgir ? Expérience de l’attente, de la veille ; assailli d’injonctions intimes si diverses, pressantes, pesantes et contradictoires ? Peut-être une de mes créations la plus indéfectible et la plus fondatrice de mon travail de metteur en scène et d’écrivant.

Quelque chose résonne ; a résonné.

Je relis, j’écris, je prolonge ; j’en prépare un nouveau déploiement sous forme de récit. Peut-être parce qu’il y est beaucoup question de confinement, d’empêchement, de difficulté à dire, à faire… et la conquête de possibilités neuves pour l’existence…

J’ai voulu aujourd’hui le mettre dans la boîte aux trésors de la Cité du mot. « Vrai et faux, naturel ou artificiel, réel ou imaginaire » thème du festival… J’espère que ce texte y trouvera une place. Peut-être parce que c’est le récit d’un deuil, d’une métamorphose. Comme je suis terrain vague envisage – un peu à la manière du regard posé dans un kaléidoscope – la question de l’animal, comme territoire possible de fuite et d’emprunts ; de la métamorphose, comme mise en jeu de nouvelles manières d’exister, de se déployer : plus souples, fluctuantes, tout en déformations et en heurts. Ce texte tente de raconter ne vie qui bifurque et s’exprime en formes diverses ; qui vise l’accueil et célèbre de nouvelles possibilités. Une vie d’insecte... Une existence sous une carapace et des épaisseurs d’écailles... Une histoire de masques, de pelures, de peau... Une affaire de cachette, de piège, de dissimulation… et finalement de mue.

Photo de montagne
Festival de caves (photo de répétition : avec Anaïs Marty / costume de Louise Yribarren) Avril 2018

J’espère qu’il y trouvera sa place, peut-être aussi parce que le projet théâtral, le pari au moment de l’écriture et dans le secret des répétitions avec Anaïs Mazan était d’ « y croire ». Croire à la créature, sa coquille, sa mise à nu. « Y croire », comme le spectacle vivant nous y invite quand il joue. Et raconter aussi ça du théâtre : ce jeu ; quand les simulacres et artifices qu’il manipule deviennent porteurs de vie et de possibles ; quand il s’évade – nous évade.

Je crois qu’entre les lignes, c’est peut-être mon texte qui parle le plus d’écriture…

Simon Vincent

Comme je suis terrain vague

Par Simon Vincent
avec le concours précieux de Bérénice Hagemeyer



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