La première fois que j'ai rencontré Emilienne, c'était aussi ma première fois à Kigali, en 2013. J'ai tout de suite été saisie par la singularité de sa personnalité. C'est d'abord sa voix qui a retenu mon attention, à la fois douce et puissante, et puis bientôt ses propos, étonnement précis sur ce qu'elle avait vécu pendant le génocide des tutsi au Rwanda en 1994, toute sa famille a été assassinée. Pendant les trois mois du génocide, parler signifiait mourir. Parler c'était se faire repérer lorsqu'on était caché.
Parler c'est ce que faisait vos voisins pour vous dénoncer. Emilienne a perdu la parole. 25 ans plus tard, Emilienne est vivante, elle parle, et elle nous dit combien survivre passe par les mots, pour elle et pour les autres, qu'ils soient victimes ou bourreaux.
Dans un monde où les négationnistes salissent la mémoire des rescapés du génocide des tutsi établi par la justice internationale et les historiens, dans un monde où la crise sanitaire impose la distanciation sociale et empêche mon travail d'écoute au plus près des témoins, dans la présence à l'autre, je suis si heureuse de vous offrir les mots précieux d'Emilienne.